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Des difficultés corporelles rencontrées par les débutants en Tai Chi Chuan

Par REVEL Maximilien — Au fil du Tao

Quand on entame la pratique du Tai Chi Chuan, peuvent se déclencher :

  • des difficultés à exécuter les mouvements (mouvoir un bras sans pour autant faire monter l’épaule, pousser un partenaire sans utiliser les biceps),
  • des douleurs musculaires, articulaires : maux de dos, hanches ou épaules.

Le concept de schéma corporel va nous aider à comprendre ce qui se passe non seulement en Tai Chi Chuan mais dans tout mouvement au quotidien.

Notion de schéma corporel

Le schéma corporel constitue notre carte corporelle : il interprète les différents messages transmis par les capteurs sensoriels (position dans l’espace, tension musculaire) : le schéma corporel est l’image que nous avons de nous-même. Ainsi :

  • Lorsque nous sollicitons notre main pour saisir un objet, un message nerveux est envoyé afin que les muscles, les os, les tendons, ligaments appropriés soient mis en action,
  • dans l’autre sens, notre corps nous envoie un message signifiant une information sensorielle, une douleur.

Cette notion fondamentale, souvent remise à l’ordre du jour par les récentes découvertes, nous donnera un fil d’explication pour notre propos.

La construction du schéma corporel s’est faite au fil des expériences vécues. Son contenu reflète notre vie, car tout ce qui y est présent reflète une expérience réelle

Nous pouvons donc mieux comprendre que, comme un GPS défaillant va nous indiquer le mauvais chemin (la carte n’a pas été mise à jour), le schéma corporel peut nous induire en erreur du fait du manque d’informations.

L’exemple évident est celui d’une personne atteinte de daltonisme qui confondra le rouge et le vert. Sa carte corporelle ne lui donne pas accès à cette information.

Quelques autres exemples parlants :

  • une oreille habituée à la gamme pentatonique mineure (5 notes), peinera à distinguer les notes d’une gamme plus riche ;
  • un sportif dont le corps se sera spécialisé dans certaines techniques sera mal à l’aise en entamant une activité physique radicalement différente :
    • un sprinteur aura une carte détaillée des muscles, articulations mis en jeu dans sa spécialité, mais ne possèdera pas la même qualité de détail dans la coordination de ses mains ;
    • un plongeur aura développé ses capacités pulmonaires ;
    • un boxeur maîtrisera les réflexes propres à son sport.

Il est également important de souligner que le schéma corporel évolue constamment.

Ainsi, prenons deux situations comme exemples :

  • Une entorse des ligaments croisés du genou peut entrainer une période de repos forcé ; les muscles des jambes (quadriceps) perdent alors rapidement leur capacité.
  • Une entorse de la cheville entraîne son immobilisation.

Dans ces deux cas, une rééducation est nécessaire :

  • Le quadriceps peine à retrouver sa musculature d’antan
  • La cheville semble avoir perdu la souplesse originelle.

Tout se passe comme si la carte de la zone articulaire ou musculaire devenait floue, perdait la précision, et ce, très rapidement.

En résumé, le schéma corporel désigne la relation corps-esprit évoluant constamment au gré de nos expériences. Concrètement, une sensation est son moyen d’expression.

Cette clé explicative en main, nous allons maintenant revenir aux difficultés corporelles évoquées en début d’article.

Inconforts lors de la pratique du Tai Chi Chuan

Comme nous venons de le voir, le schéma corporel traduit l’ensemble des habitudes que le corps a intégrées au fil de l’expérience.

S’il n’a pas suivi une discipline particulière, il a mis en place un fonctionnement dont le seul objectif est d’assurer les actions devant être accomplies au quotidien avec un minimum d’énergie et de sensation pénible.

Il faut alors prendre conscience que ce fonctionnement n’est pas optimal par rapport aux potentialités réelles. Généralement, il n’est pas synonyme de souplesse articulaire et musculaire, de respiration fluide et profonde même si le corps ne le ressent pas de cette manière. Pour lui, c’est LA manière normale de fonctionner.

Dans ce contexte, l’exigence des exercices de Tai Chi Chuan vient bousculer ce fonctionnement.

Ainsi, le principe de Song consistant à détendre les muscles et les articulations, aussi simple, voire évident soit-il sur le papier, se heurte à une réalité bien différente, celle du fonctionnement habituel.

Par exemple, les demandes suivantes vont susciter des découvertes qui peuvent apporter un certain inconfort :

  • mouvement de la colonne vertébrale reliant le bassin à la ceinture scapulaire ;
  • mouvement des articulations des hanches ,
  • mouvement de la cage thoracique,
  • coordination des bras et des jambes.

Si le schéma corporel n’a pas préparé le corps, le débutant se retrouvera dans l’incapacité à mettre en œuvre les zones sensorielles, musculaires, articulaires. Le pratiquant ne ressentira aucune sensation

Dans certaines situations, le corps peut témoigner d’une douleur.

Apparition de douleurs musculaires ou articulaires dans le quotidien

Répétons-le encore une fois : le corps a pris des habitudes qui correspondent au fonctionnement dans la vie quotidienne. Le seul critère est de générer le moins de douleur possible.

Cependant, lorsque l’urgence d’une situation met en œuvre une zone floue, alors celle-ci peut être traumatisée :

  • entorse de cheville lors d’une chute,
  • hernie discale dans le cas d’un port d’une charge lourde.

Lorsque notre schéma corporel n’est pas habitué à traiter un mouvement correctement, peuvent apparaitre des douleurs, voire des traumatismes.

De manière générale, les raisons d’apparition d’une douleur sont délicates à identifier. En effet, un nombre important de paramètres sont à l’œuvre dans la qualification du message transmis (par exemple : seuil à partir duquel un inconfort est qualifié de douleur ou simplement dit « sensibilité à la douleur »).

Les mouvements de Tai Chi Chuan sont doux et lents. Cependant, les exemples suivants ont été vécus par des élèves avec des douleurs comme conséquence :

  • Les muscles de la colonne vertébrale n’ayant pas été activés depuis des années.
  • Des chevilles toujours sollicitées dans un sens (pas de rotation) ;

Bienfaits de la pratique du Tai Chi Chuan

S’il est vrai que nous n’avons pas le contrôle du schéma corporel, il est tout aussi vrai que nous pouvons l’améliorer en le confrontant à des situations dans lesquelles il évoluera.

De la même manière qu’un kinésithérapeute va rééduquer une cheville avec certains exercices, le Tai Chi Chuan met en œuvre des placements musculaires, articulaires, tendineux qui permettent au corps d’apprendre.

La lenteur des mouvements, l’écoute accordée à la respiration et au corps donnera, avec le temps et la confiance dans la discipline, tous les moyens nécessaires pour un apprentissage de qualité.

Pratiquer le Tai Chi Chuan conduit alors à la découverte de ses potentialités réelles.