De l’enracinement en Tai Chi Chuan

Par REVEL Maximilien — Au Fil du Tao

L’enracinement est probablement un des sujets les plus évoqués dans les écrits relatifs au Tai Chi Chuan reflétant son importance dans cette discipline. Je voudrais ici traduire en mots simples cette notion et donner des pistes afin de la travailler.

Qu’est-ce que l’enracinement ?

L’enracinement dans le Tai Chi Chuan est la capacité de maintenir une posture stable et équilibrée en connexion avec le sol tout en effectuant les mouvements.

On peut partir de la métaphore arboricole : si je me considère comme un arbre, mes pieds en sont les racines. Cela signifie que mes pieds adhèrent au sol comme si des racines avaient poussé sous la plante des pieds et créaient un lien naturel, indissociable. Je ressens mon corps posé sur la terre, sans tensions, avec ma colonne vertébrale érigée vers le ciel.

Mécaniquement, l’enracinement est réalisé par :

  • La disposition à s’alourdir, c’est-à-dire descendre son poids dans les pieds sans pour autant y mettre de la tension.
  • L’alignement du centre de gravité du corps avec la base de sustentation.

Comment le travailler ?

Le Classique du Taijiquan de Wang Zong-Yue indique :

Le Qi descend dans le Dan Tian

Cette phrase peut être interprétée comme la capacité à faire descendre l’énergie (se traduisant par des tensions musculaires ou par un trop-plein dans la tête) depuis le haut du corps vers le ventre et ensuite vers le sol.

Ainsi, les exercices en Tai Chi Chuan nous invitent à ressentir l’enracinement en posant les contraintes suivantes :

  • Le centre de gravité doit rester au même niveau lorsque nous nous déplaçons.
  • Le pivot se fera sur le talon du pied.
  • Quand nous nous déplaçons (avancer, reculer ou changer d’orientation), les deux pieds se rejoignent avant de se poser. Il n’y a jamais de pose directe du pied : le corps se comporte comme une « toupie » avec le ventre comme centre de rotation.

Ces contraintes impliquent donc de garder les deux pieds en contact avec le sol le plus fréquemment possible.


Une énergie insubstantielle étire la tête vers le haut.

La seconde phrase est fondée sur l’étirement de la colonne vertébrale vers le haut. Il est précisé ici que l’énergie est insubstantielle.

Dans la vie quotidienne, lorsque le corps n’est pas discipliné, la tendance due à la passivité naturelle fait que la personne se tient penchée, avec une cassure au niveau des lombaires, des épaules tendues, un dos vouté, etc.

Nous pouvons profiter des cours afin de discipliner le corps pour lui faire entendre les bienfaits dont il peut bénéficier en étant équilibré et droit (les fesses ne doivent pas sortir).

En Tai Chi Chuan, nous recherchons à ressentir l’unité du haut et du bas. Cela se manifeste par une sensation qui part de la plante des pieds, monte par les jambes, est dirigée par la taille, parcourt la colonne vertébrale et se termine au sommet du crâne. Le corps semble suspendu à un fil attaché au sommet de la tête.

Une autre image est d’actualité : les vertèbres de la colonne vertébrale sont représentées par des pièces de monnaie chinoise enfilées dans une corde par le trou au centre de la pièce. On veut signifier par là le parfait alignement des vertèbres vers le haut.


En déplacement, ces exigences sont d’autant plus délicates et importantes à respecter

Les principes du Tai Chi Chuan insistent sur la position d’équilibre central (Zhong Ding) ainsi que sur les différentes manières de se positionner.

Au début de la pratique, le débutant n’en comprend pas l’importance, car marcher parait évident dans la vie au quotidien.

Avec le temps, il s’aperçoit que cette évidence n’en est pas une et que le respect de l’enracinement (libérer le haut du corps, se déplacer sans monter son centre de gravité, garder l’équilibre avec le regard loin devant soi) est en réalité l’exigence principale.

Le pratiquant qui comprend et réalise ces simples exercices ressent progressivement ce que nous nommons enracinement en Tai Chi Chuan .